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Théâtre en Normandie

De Lalande au « Poème Harmonique » : la grandeur et l'intériorité

2 Juin 2017 , Rédigé par François Vicaire

La fin de saison rouennaise du « Poème Harmonique » se termine en majesté !

Concert chez la Reine, concert dansé chez le roi et, tout dernièrement, déroulement des pompes spirituelles telles que le XVIIème les sublima dans la rigueur d'une réflexion qui répondait en même temps aux exigences versaillaises.

De Lalande est le musicien qui représente le mieux cette somptueuses alternative qui imprégnait un siècle où le monarque voulait mettre en accordance l'humilité et la grandeur.

Laissant à Lully le bénéfice des productions spectaculaires, Lalande au contraire fut le serviteur fidèle et discret d'une illustration plus intérieure au nom d'une spiritualité qui contrebalançait les fastes de la comédie-ballet.

Louis XIV en fit son musicien favori, lui laissant le champ libre dans sa manière d'accompagner ses offices (et même ses musiques « de table »), d'où une succession de motets et de pièces de circonstance qui échappaient à la théâtralité du temps et rejoignaient des préoccupations plus directement religieuses.

Le concert que Vincent Dumestre proposait à la Chapelle Corneille, prolongement de celui qu'il avait présenté en avril au festival de Cracovie avec le même programme, résumait parfaitement cette dualité entre les intentions intimes de l'assistance, et surtout du Roi et la manière de les transmettre au cours des offices.

Un programme historique puisque les deux premiers motets qui ouvraient le concert n'avaient pas été donnés en public depuis leur création. Ces deux « raretés » se complétaient de deux pièces majeures démontrant les courants musicaux qui traversaient le siècle. D'un côté, un « Magnificat » dont les beautés altières, interprétées en faux-bourdon, ne sont pas sans se rapprocher de ses « Ténèbres ». Irradiant la chapelle de résonnances surgissant des hauteurs de la Chapelle dans une grandiose quadriphonie, cette grand pièce méditative, mettait en valeur, une fois de plus et définitivement, la qualité des lieux et les ressources dont ils disposent. Pour lui répondre, le grand « Te Deum », parmi les plus connus et l'un des plus joués dans l'immense production de De Lalande, éclatait sous les voûtes et, par son ampleur et la qualité de son interprétation, affirmait la prédominance d'un style monumental auquel il lui fallait sacrifier tout en confiant aux solistes de grandes plages d'émotion pure. Emanuelle de Négri, Dagmar Saskova, Sean Clayton, Cyril Auvity et André Morsch firent valoir cette subtilité du chant baroque qui, tel qu'il est restitué, reste fidèle au style de son époque dans l'utilisation des timbres mais sait aussi dépasser son formalisme pour atteindre, et c'était sensible dans certains passages du « Te Deum » à une grande modernité.

Vincent Dumestre avait mobilisé pour la circonstance une impressionnante formation qui réunissait la masse orchestrale du « Poème » et l'admirable ensemble « Aedes » préparé par Mathieu Romano.

Passionné, précis et sensible, il porta avec un allant remarquable cette triomphante phalange dont la grande cohésion et la qualité intrinsèque sont le fruit d'un travail exemplaire de recherche et d'initiation .

Cela dit, il n'est pas inutile de rappeler que la résidence en Normandie du « Poème » ne se contente pas d'organiser des concerts et quand on lui en donne les moyens de monter des opéras. Il poursuit également un travail suivi auprès de jeunes des Hauts-de-Rouen qui, grâce à lui, découvrent non seulement la musique mais la manière de la servir et de la prolonger dans la pratique d'un instrument. On pourra en mesurer les résultats au cours du concert de fin d'année de l'école harmonique, mardi prochain à 16 heures et 19 heures à la Chapelle.

En quelque sorte le creuset des bonheurs à venir.

 

Notre photo : le « Poème » au festival de Cracovie - photo de Attila Nagy

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