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Théâtre en Normandie

« Gustave est dans sa chambre » …. et dans ses murs !

12 Avril 2015 , Rédigé par François Vicaire

« Gustave est dans sa chambre » …. et dans ses murs !

Gustave Flaubert se tient à Rouen dans une étonnante discrétion qui ressemble presque à une quarantaine. C'est normal quand on pense qu'il est né à l'Hôtel-Dieu dont son père était le médecin-chef et qu'il a passé toute son enfance à suivre avec sa sœur Caroline les travaux paternels consacrés aux dissections et autres joyeusetés et que la salle à manger familiales jouxtait la grande pièce où mouraient les malades atteints du choléra. Ce n'était évidemment pas un endroit où un jeune garçon pouvait s'épanouir sans être marqué par cet environnement quelque peu glacé. Mais si son ambiance devait être assez sinistre, la maison ne l'était pas. C'était une charmante demeure tout imprégnée d'élégances quasi balzaciennes et significative de son confort solidement bourgeois.

Elle est restée, si l'on peut dire, dans son jus et elle mérite qu'on s'y arrête et qu'on la visite. D'abord parce qu'elle présente des éléments qui situent bien la manière dont on pratiquait la médecine à cette époque mais surtout elle fait entrer les visiteurs dans l'univers de la famille Flaubert avec ses meubles cossus, ses portraits de famille et ses multiples petits objets familiers qui permettent à cette maison d'échapper au didactisme formel d'un simple musée.

Ainsi, on y voit toujours, la chambre natale de l’écrivain où, sculpté par Pradier, le buste de Caroline, semble accueillir les visiteurs. Car si le musée favorise une meilleure compréhension d’un établissement hospitalier au XIXe, il permet en même temps de mieux appréhender le climat dans lequel la jeunesse de Gustave se déroula, toute imprégnée de cet environnement dont les marques profondes, dans la vie comme dans son œuvre, le feront constamment osciller entre le morbide et le sublime.

Le musée de la médecine n’échappe pas à cette dualité. On y découvre, entre autres, des instruments chirurgicaux qu’Achille-Cléophas Flaubert, puis son fils Achille , purent utiliser ainsi qu’une étonnante collection de moulages phrénologiques aux beautés hallucinées.

Et puis, surprise naturaliste s’il en est, on retrouve au détour d’une vitrine, Loulou le perroquet, frère jumeau de celui de Croisset, tel que l’admirait la fidèle Félicité d’un « Cœur simple » avec «...son corps vert, le bout de ses ailes roses, son front bleu et sa gorge dorée».

En petit comité

L'association des « Amis du Musée Flaubert et d'histoire de la médecine » qui se bat pour conserver intacte ce témoignage important de la littérature et de l'aventure humaine a eu la bonne idée de monter avec ses membres un atelier d'écriture. Elle eut une meilleure idée, encore, de demander à Michèle Guigot chez qui le goût du théâtre est toujours tenace, de construire une mise en scène autour de ces textes et de les faire jouer par ceux qui les ont écrits. « Gustave est dans sa chambre » - c'est le titre de ce spectacle - est une promenade en petit comité, originale, sensible, inventive dans la manière de jouer avec des lieux qui ne sont pas faits pour cela mais qui grâce à la mise en espace de Michèle Guigot se plient parfaitement à l'évocation des personnages.

Ainsi, sous la conduite de Julie, la bonne des Flaubert (l'excellente et solide Sophie Caritté), les visiteurs deviennent des amis de la famille et les membres de l'association assument avec crânerie des emplois qui permettent d'avoir une approche humaine des personnages. C'est vif, intelligent et surtout très finement mené pour permettre de croiser les fantômes qui ont hanté cette maison, depuis la tendre Caroline qui mourra en couches jusqu'à la belle Elisa Schlesinger pour qui le jeune adolescent eut un coup de foudre en la voyant donner le sein à son enfant sur la plage de Trouville sans oublier Louise Collet qui se verra refoulée dès la porte du jardin de Croisset par un amant qui ne voulait surtout pas qu'elle partage sa vie et celle de la famille.

Bien évidemment tout cela se situe dans un raccourci très bien mené et qui, et c'est son grand mérite, incite à des prolongements par une visite attentive et personnelle de ce musée très riche dont l'avenir semble incertain.

De par sa fonction initiale et de par sa position au sein même du complexe hospitalier, la maison relève du CHU qui en assure son fonctionnement y compris le poids des trois salariés qui la font fonctionner.

En attendant le bi-centenaire

Il est bien évidement que la situation a quelque chose d'hybride et cette double casquette pour avantageuse qu'elle puisse paraître est à double-tranchant. A une époque où on parle d'économie drastique, le musée risque de se retrouver un jour ou l'autre avec des problèmes non pas d'existence mais de prise en charge financière.

C'est donc légitime que l'on s'interroge sur la manière dont il peut aborder l'avenir. Heureusement, l'association des « Amis du Musée Flaubert et d'histoire de la médecin » est là pour veiller au grain et surtout travailler à ce que ce patrimoine exceptionnel s'enrichisse régulièrement de nouvelles pièces. De nombreuses manifestations ou rencontres comme celle qui est organisée actuellement, permettent de trouver des fonds et surtout d'affirmer la volonté de faire vivre la maison sans qu'elle ne perde rien de son intégrité culturelle.

En 2021, on célébrera le bi-centenaire de la naissance de Flaubert. Espérons que, d'ici là, les interrogations seront levées et que Gustave restera dans ses murs.

Notre photo : Yvan Leclerc, le grand spécialiste de Flaubert tient le rôle du docteur Cloquet pour une évocation douloureuse de la mort de Caroline dans la chambre même où naquit Gustave.

« Gustave est dans sa chambre » : mardi 19 mai, jeudi 11 juin à 16h30 et vendredi 12 juin à 19 heures. Il est TRES prudent de réserver dès maintenant au 0632391545

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