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Théâtre en Normandie

A Honfleur Michel Decoust et Jean-Pierre Wallez soufflent dans les oreilles de Satie

1 Février 2014 , Rédigé par Vicaire François

A Honfleur Michel Decoust et Jean-Pierre Wallez soufflent dans les oreilles de Satie

C'est d'une seule voix et sur le même tempo – on pourrait presque dire sur la même longueur d'ondes – que Jean-Pierre Wallez et Michel Decoust se sont retrouvés à Honfleur dimanche dernier grâce à Erik Satie. C'était au cours d'un concert donné au Grenier à Sel par l'orchestre régional de Basse-Normandie. Guillaume Lamas avait eu l'heureuse idée de réunir le chef d'orchestre et le compositeur pour un même hommage rendant au maître d'Arcueil sa véritable place.

En effet, à l'exception des « Gymnopédies » qui sont presque devenues des scies et les Gnociennes, moins rabâchées et pourtant tout aussi, si ce n'est plus, admirables, que connaît-on réellement de l'œuvre de Satie ? Considérée comme une sorte de guirlande musicale liée à des textes qu'il écrivait sur les partitions, elle a longtemps hanté le cercle intime des salons ou des concerts pour des « bis » en forme de points d'exclamation sans que l'on s'attache vraiment à la réalité d'un talent à la fois drôlatique et tendre..

L'oeuvre de Satie est avant tout pianistique. Si l'on excepte quatre ballets – écrits quand même pour les ballets russes de Diaghilev et les « suédois » de Jean Börlin, ce qui n'est quand même pas si mal – la masse orchestrale ne semble pas l'avoir inspiré particulièrement. Il s'est surtout attaché à dessiner d'une écriture fine, acérée et d'une virtuosité qui est beaucoup plus celle de l'esprit que celle du clavier des « instants » qui s'inscrivent dans le désordre organisé d'une inspiration totalement irrévérencieuse. Le titre du concert lui-même « Ne souffle pas dans tes oreilles ». portait bien le sceau de l'excentricité du personnage. On pouvait en mesurer la saveur dans la projection des textes accompagnant les œuvres interprétées et que David Christoffel commentait avec un à-propos qui restituait bien l'esprit de l'époque à la veille de la guerre de 14.

Satie, dans des commentaires qui portent la marque d'une inspiration dadaïste indissociable de sa musique elle-même, ne ne découvre pas toujours, derrière les pirouettes iconoclastes qu'il affectionne, la réalité d'une nature fragile, solitaire et paradoxalement empreinte d'une nostalgie qu'il s'efforce de noyer dans la dérision.
Et c'est le grand mérite de Michel Decoust que d'avoir su aller chercher les pépites d'élégance et les grandes subtilités harmoniques que ces petites pièces rapides dissimulent avec une adresse diabolique. Il a effectué un travail de ciseleur qui échappe à la simple orchestration pour atteindre une véritable démarche de composition dans laquelle la structure originale de l'œuvre ne perd jamais ses droits mais gagne une couleur beaucoup plus personnelle.. D'une certaine manière Decoust a prolongé ce que Satie n'avait pas osé faire : à savoir mettre dans sa musique les tendresses désenchantées de son talent contradictoire.

Jean-Pierre Wallez et l'orchestre régional de Basse-Normandie jouent avec les fluidités quasi-impressionnistes d'une partition – des partitions devrait-on dire tant le talent de Satie est multiple – dont le discours musical fait la part belle à une fantaisie qui jongle avec l'humour mais sait porter aussi à son point d'incandescence de grands et beaux moments d'émotion.

Le musicologue Emile Vuillermoz, qui n'était pas avare de vacheries, disait que la renommée de Satie venait en partie du fait que Debussy avait eu la gentillesse d'orchestrer une succession de ces « accords amorphes et sans liens qui portait le titre de Gymnopédies".

Dommage qu'il n'ai pas eu la possibilité d'apprécier le remarquable travail réalisé par Michel Decoust et Jean-Pierre Wallez...il est mort depuis belle lurette.

Tant pis pour lui!

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