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Théâtre en Normandie

Le « Richard III» de Thomas Jolly : époustouflant et dévastateur

6 Mai 2017 , Rédigé par François Vicaire

On attendait avec impatience que le « Richard III » de Thomas Jolly vienne dans nos murs. Il faut dire que pour un tel spectacle qui déploie des moyens techniques importants, il faut un plateau qui soit à la mesure – ou à la démesure selon l'idée qu'on s'en fait – des ambition d'un scénographe extrêmement doué mais condamné – le succès de « Henry VI » oblige - à dépasser les limites du manteau d'Arlequin.

En attendant le dernier volet à Mont-Saint-Aignan du triptyque « CDN » qui a du mal à sortir de terre, et qui aura des capacités susceptibles de recevoir de grandes productions, c'est le « Rive Gauche » qui a accueilli ce spectacle programmé par « La Foudre ».

Le résultat ne s'est pas fait attendre : les deux soirs ont été pris d'assaut et il ne restait plus un strapontin de libre pour cette visualisation si particulière de l'épopée shakespearienne revue à l'aune d'une personnalité qui reste exceptionnelle dans sa détermination à casser les moules pour en inventer d'autres.

En fait, Thomas Jolly appartient à cette générations de jeunes créateurs qui montrent– et qui montrent admirablement bien – plus qu'ils ne donnent à réfléchir.

Marqués par le spectaculaire de leur époque, ils mettent leur imagination au service de l'apparence parfois au détriment du ressenti intérieur.

D'où un certain flottement dans les intentions. Ainsi, on admire sans réserve une visualisation époustouflante de maîtrise et d'imagination, mais en même temps on ressent une certaine frustration à l'égard du théâtre lui-même qui devient un événement à « grand spectacle » et non plus un espace de pensée.

Thomas Jolly est tombé, d'une manière totalement assumée, dans le piège sinon de la facilité car son spectacle est tout sauf facile, mais dans celui d'une certaine mode qui s'abandonne volontiers à un systématisme dont l'outrance n'est pas toujours exempte.

Il faut reconnaître que la pièce en elle-même, n'est pas simple et quon peut se laisser déborder par les fureurs tragiques qu'elle génère.

Thomas Jolly, porté par le succès fracassant de son « Henry VI » s'est laissé déborder par l'accueil qui lui a été fait et la réputation qu'à juste titre on lui a accordé. Mais à vouloir trop prouver on ne prouve plus rien si ce n'est faire la démonstration d'un talent quelque peu mégalomane surtout quand l'intéressé s'octroie le rôle-titre.

Cela dit ce spectacle est une grande et belle épopée, somptueusement mise en lumière et qui bénéficie d'un dispositif scénique d'une grande intelligence dans la manière de mener les actions sur des plans différents.

Au milieu de cette débauche d'effets tout à fait remarquable la distribution qui a les impétuosités de la jeunesse s'épuise dans un style de jeu gommant les nuances au bénéfice d'une violence qui imprègne cette page tragique – la plus tragique peut-être – de l'histoire de l'Angleterre.

On éructe, on vocifère, on s'invective avec une passion dévastatrice. Je sais bien que la pièce en elle-même ne donne pas dans la dentelle mais il faut convenir que Jolly en rajoute quelque peu même s'il décompresse l'ambiance avec quelques effets assez faciles en direction de la salle. Entre drame et truculence, entre emphase et clins d'oeil appuyés, la mise en scène navigue au gré d'un torrent discontinu qui déverse des images grandioses comme ce couronnement qui termine la première partie dans des fastes psychédéliques qui donnent à Thomas Jolly l'occasion de faire un grand numéro de rocker déjanté.

J'avoue en être resté là. Dans cette longue première partie on a largement le temps de mesurer les immenses qualités du spectacle et les défauts qui d'une certaine manière leur répondent.

C'est le risque des spectacles trop longs. Ils fascinent ou ils lassent. L'accueil du public, très jeune dans son ensemble, laisse à penser qu'il a succombé à la fascination.
Mais après tout, c'est le but du jeu !

photo : Nicolas Loubard

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