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Théâtre en Normandie

« La Tempête » au CDN : tonique, inventive et bondissante

15 Janvier 2016 , Rédigé par François Vicaire

« La Tempête » au CDN : tonique, inventive et bondissante

Même si, avec la disparition de Luc Bondy qui devait en faire la mise en scène à l'Odéon, le projet de "l'Othello blanc » n'est plus d'actualité, il n'en reste pas moins que le problème a fait débat et que « La Tempête » de Thierry Roisin, présenté deux soirs de suite et devant des salles combles et conquises à « La Foudre » est arrivé à point nommé pour l'enrichir.

« Doit-on ou ne doit-on pas le faire ? » (ce pourrait être un titre à la Shakespeare). La production présentée au Centre Dramatique National apporte la réponse à une alternative qui ne devrait plus se poser. C'est, en effet, une manière irréfutable d'aborder la difficulté qu'il y a encore d'imposer le métissage dans sa vraisemblance dramaturgique. Mais, dans le même temps, il démontre le péril à suggérer une vision différente d'un texte qui par delà les siècles, pourrait prendre ses distances avec les intentions que son auteur voulait lui donner.

En prenant le parti de transposer la renaissance italienne dans un Burkina-Faso qui peut être de tous les temps, le travail de Thierry Roisin échappe à l'anecdote et apporte à la pièce une résonance humaine et sociale terriblement actuelle et que n'aurait pas désavouée le grand Will.

« La Tempête » de Shakespeare dans cette réalisation née au milieu des troubles politiques qui ont traversé le Burkina Faso est remarquable dans son principe, de prime abord périlleux mais réussi, d'opérer des basculement d'emplois dans l'utilisation d'une distribution à dominante burkinabé. La mise en scène s'inscrit dans une optique résolument tonique, bondissante et d'une merveilleuse jeunesse de ton. Et si parfois il peut se faire plus âpre, l'ensemble garde l'essentiel de cette poésie shakespearienne, tour à tour truculente et féérique qui trouve son équivalent dans une fantasmagorie africaine portée par un discours musical remarquablement présent et qui se fait évocateur sans sombrer pour autant dans l'illustratif.

Dans cette ré-appropriation d'une action qui même en changeant de latitude laisse aux passions les moyens de s'exacerber telles qu'elles surent le faire il y a près de cinq siècles, Thierry Roisin joue avec toutes les ressources d'un lyrisme qui sait se montrer grandiose tout en échappant à la grandiloquence grâce à une distribution qui, avec une grande simplicité d'intentions. jongle avec sa nature sans la forcer jamais

Et par la magie d'un changement de cap géographique et intellectuel qui ne souffre d'aucun anachronisme cette parabole de la magnanimité laisse le dernier mot à Prospero qui de duc de Milan qu'il fut, s'efface devant ce « Naba » par lequel toute la sagesse africaine passe et se transmet.

C'est remarquable.

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