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Théâtre en Normandie

« Lohengrin » à l'Opéra de Rouen : Pour les yeux d'Elsa

14 Mai 2015 , Rédigé par François Vicaire

« Lohengrin » à l'Opéra de Rouen : Pour les yeux d'Elsa

Allons ne boudons pas notre plaisir et ne perdons pas notre temps à nous remémorer les souvenirs d'hier pour ne pas gâcher ceux qui s'offrent aujourd'hui.

Ainsi Wagner revient en force à l'opéra de Rouen avec ce « Lohengrin » qui n'est pas exempt de quelques faiblesses mais qui renoue avec une tradition solidement ancrée dans les mémoires et qui globalement offre assez de plaisir pour qu'on en jouisse sans réserve.

En premier lieu, c'est un spectacle qui fait passer sur la maison un souffle épique porté par un orchestre et une masse chorale tout à fait remarquables. Sous la conduite à la fois précise et enflammée de Rudolph Pielhmayer, les sonorités wagnériennes, qu'elles soient éclatantes avec un pupitre de cuivre aux beautés saisissantes ou portées par des cordes animées véritablement d'une sensualité mystique. Sous sa conduite, la fosse fait déferler sur la salle les splendeurs d'une partition unique auxquelles répondent les somptuosités de timbres et de forces expressives d'un cadre de choeur qui est un des éléments forts de ce qu'il est bien convenu d'appeler une cérémonie

Le deuxième élément de ce succès est la mise en scène de Carlos Wagner. Bien sûr on peut s'interroger sur les raisons qui font se dérouler l'action entre une salle des archives et une salle de presse avec en prime des hommes en armes qui font penser qu'il y a de la rébellion dans l'air. Sa configuration en amphithéâtre offre de belles ressources d'évolutions même si elles sont quelque peu répétitives. Mais la visualisation ne manque pas de grandeur. Mettre Wagner en scène n'est jamais simple. La force des mythes retient, devrait retenir ceux qui s'y attaquent. Doit-on rester d'une fidélité exemplaire aux exigences de Wagner lui-même qui ne laissait rien passer ou au contraire s'affranchir de l'exception pour lui donner des motivations plus actuelles. En fait quand y on réfléchit, le livret de « Lohengrin », c'est du « people » à la sauce médiévale . On s'aime, on se trahit, on fait jouer toutes les ressources d'éléments extérieurs comme la magie qui sont là pour pigmenter l'histoire et qui débouchent toujours en final sur la victoire du bien sur le mal.

Carlos Wagner joue en quelque sorte sur les deux tableaux en restant imprégné d'un certain respect initiatique dans de grands tableaux grandiloquents ou au contraire en l'agrémentant de quelques « gamineries » étranges comme cette empoignade entre Elsa et Ortrude qui se transforme en conversation autour d'une tasse de thé ou en transformant la chaste héroîne fagotée dans un ciré très « années cinquante » en meringue bavaroise .

Mais tout cela est accessoire. Ici, tout comme la musique ce sont les voix qui importent et ce sont elles en définitive qui sont appelées à donner le ton et la mesure à l'épopée. Elle faut donc des timbres et des volumes susceptible passer le cap redoutable des ensembles.

Trois éléments de la distribution y parviennent. Ce sont le roi de Jean Teitgen, solide et d'une belle présence, l'admirable Telramund d'Anton Keremidtchiev qui impose une personnalité vocale et scénique tout à fait remarquable et la belle Barbara Haveman qui fait valoir un timbre d'une richesse mordorée et une superbe ligne de chant et vers laquelle tous les yeux et les oreilles se sont tournés.. Par contre, Janice Baird est un peu en-deçà de ce qu'on peu attendre d'Ortrud. Avec une voix trop claire pour le mezzo – voire le grand soprano dramatique – qu'elle devrait être, son personnage perd de ce mordant quasi hystérique dont elle ne devrait pas se départir tout au long de l'action.

Enfin, il y a Lohengrin. Viktor Antipenko a incontestablement la blondeur athlétique des héros wagnériens. Malheureusement sa voix n'est pas à la mesure des moyens que réclament le rôle. Il n'est manifestement pas mûr pour ce type d'emploi qui demande la densité dramatique et le rayonnement de la grande maturité. D'où des problème d'émission et un vibrato obstiné qui empêche de goûter véritablement à la qualité d'un timbre qui doit pouvoir se signaler dans un répertoire plus adapté à ses ressources.

Dimanche, comme les autres jours vraisemblablement, le public bon enfant, lui a fait une ovation. C'est sympathique mais ce n'est pas nécessairement lui rendre service.

Mais gageons que dans les applaudissements nourris par lequel ce spectacle a été accueilli, l'orchestre et les choeurs y ont tenu une première place très méritée.

Et ce n'est que justice.

(photo : Jean Pouget)

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