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Théâtre en Normandie

D'Hélène Francisi à Labiche … les vivifiantes explorations de Yann Dacosta

25 Novembre 2013 , Rédigé par Vicaire François

D'Hélène Francisi à Labiche … les vivifiantes explorations de Yann Dacosta

Partant du principe que le théâtre a horreur du vide, Yann Dacosta s'emploie à ne jamais se laisser dépasser par le temps. Il se plaît même à anticiper les plaisirs à venir sans attendre que ceux qu'il a mis en place aient eu la possibilité de s'émousser.

C'est une façon d'entretenir cette capacité de création qu'il manie avec gourmandise et les moyens d'accorder les exigences du long terme à celles de l'urgence.

Alors que « Les larmes amères de Petra Von Kant» continue de tourner - et de bien tourner ! - il conduit des actions qui le mènent aussi bien en milieu scolaire qu'au musée du Louvre pour des expériences dont les textes sont le pivot autour duquel les jeunes publics cultivent l'art de la découverte. La dernière en date s'inscrit dans le cadre de l'opération « un artiste, un collège » avec une résidence à Saint-Etienne-du-Rouvray autour de « L'apprenti » de Daniel Keene. C'est une histoire de « paternité recréée » entre un jeune garçon, en mal d'amour parental, et le père qu'il n'a pas eu. Cette référence de substitution à laquelle tout adolescent est confronté à la veille d'entrer dans le monde des adultes, débouche sur une recherche idéalisée dans laquelle deux personnages – interprétés par Jean-Marc Talbot et Florent Houdu – s'engagent pour une quête existentielle qui favorisera leur reconnaissance réciproque.

Cette démarche sublimée, c'est un peu celle qu'Hélène Francisi entreprend actuellement avec « Ma vie, est une histoire vraie » dans laquelle elle part à la recherche de ce qu'elle voulait être et ce qu'elle est parvenue à faire de sa vie de femme et de sa carrière d' artiste. Un spectacle, largement autobiographique, au cours duquel le public passe en quelque sorte de l'autre côté de la rampe pour découvrir les heurts et les bonheurs d'une carrière soumise aux aléas d'un métier qui ressemble bien souvent à un parcours du combattant. Dans « Ma vie est une histoire vraie », Hélène Francisi, avec Thomas Germaine pour partenaire, se lance sur un parcours émaillé de rires, de sourires et parfois de larmes et qui dégage à travers les mots et les chansons, écrite par Pablo Elcoq, une étonnante joie de vivre dans l'accomplissement d'un destin qui n'est jamais tracé d'avance.

Dans ce vivifiant foisonnement d'idées et de projets multiples, Dacosta n'écarte aucune expérience. De Fassbinder à Slavkine en passant par Lewis Carroll et Offenbach, il ne se refuse aucune exploration y compris celle le conduisant au « boulevard » sur lequel il s'engage allègrement avec Labiche et « L'affaire de la rue de Lourcine ».

Ce n'est pas à priori l'univers dans lequel on pourrait l'attendre. Mais il y trouve sa place en lui donnant des prolongements qui vont au-delà du traditionnel jeu des portes qui claquent et des caleçonnades complaisantes.

Pour Yann Dacosta, Labiche touche à l'absurde... celui de Kafka, de Beckett, d' Hoffmann... Pour lui, le vaudeville, n'est jamais loin du drame. Ce n'est qu'au dernier moment quand les personnages s'enlisent dans des situations inextricables que la mécanique du rire fait tout basculer. « L'affaire de la rue de Lourcine », en est un bon exemple. Avec ces deux bons bourgeois qui après une nuit trop arrosée arrivent à se convaincre eux-mêmes qu'ils ont commis un crime, on touche au fantastique.... les quiproquos alimentent leur angoisse et attisent un sentiment de culpabilité qui est en réalité celui de cette société du XIXème siècle, installée dans ses certitudes mais aussi dans ses doutes. L'incompréhension dans laquelle pataugent les personnages peut à tout moment tourner au cauchemar et même si le ressort comique vient sauver la situation, il subsiste toujours en arrière-plan – et c'est ce qui fascine Yann Dacosta – cette volonté féroce des personnages à sauver les apparences et de tout faire pour y parvenir.... y compris par l'absurde !

Cela dit, « L'affaire de la rue de Lourcine » reste le prototype de ce théâtre qui tout en frôlant Edgard Poe et Baudelaire entretient d'irrésistibles vertus comiques exigeant des comédiens de mener ce jeu du décalage porté par une verve qui touche au délire.

Dans la distribution, on retrouvera les valeurs sûres du « Chat Foin » comme Hélène Francisi et Pierre Delmotte mais aussi de nouveaux éléments comme Benjamin Guillard, Guillaume Marquet et Jean-Pascal Abribat. Avec toujours en filigrane, les musiques de Pablo Elcoq qui donnent aux couplets, de circonstance chez Labiche, des couleurs inédites

Co-produit par « L'Archipel » de Granville, « L'affaire de la rue de Lourcine » partira pour la Nouvelle-Calédonie où il sera créé à Nouméa au Théâtre de l'Ile dont Yann Dacosta avait rencontré les animateurs en Avignon pendant le festival puis il reviendra à Paris au Théâtre 13.

Autrement dit, c'est une "affaire" qui, au propre comme au figuré, risque de bien tourner !

« Ma vie est une histoire vraie » avec Hélène Francisi (notre photo), sera le 10 décembre à la Maison de l'Université de Mont-Saint-Aigna à 20 heures et le 12 à « L'Eclat » de Pont-Audemer à 20h30.

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