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Théâtre en Normandie

Mathieu Létuvé : atteindre les perspectives citoyennes du théâtre

25 Octobre 2013 , Rédigé par Vicaire François

Mathieu Létuvé : atteindre les perspectives citoyennes du théâtre

A peine remis de ses émotions avignonaises où il a engrangé de quoi remplir son calendrier pour une bonne année avec son "Pinocchio", le Caliband Théâtre est reparti sur un nouveau projet pour lequel Marie Mellier et Mathieu Létuvé se sont mis en quête de lieux sinon improbables du moins susceptibles d'ouvrir l'acte théâtral à de nouvelles couches de spectateurs. Un principe qui peut, en même temps, répondre aux exigences d'actions pouvant s'adapter à des univers échappant au cadre traditionnel d'une salle de spectacle. C'est une démarche qui prend sa cohérence dans les rapports qui s'établissent entre un texte et l'espace dans lequel il est susceptible de se mouvoir.

Après quelques grandes productions dans laquelle, de Ionesco à Shakespeare en passant par Buzzati, elle s'est illustrée, la compagnie revient à des formes plus resserrées et surtout répondant plus à des exigences d'accessibilités vers des publics à découvrir. Ce fut déjà le cas avec "Une tempête" d'Aimé Césaire présenté sur les Hauts de Rouen, un spectacle dans lequel furent impliqués un certain nombre de jeunes pour qui l'expérience théâtrale, de l'autre côté du décor pourrait-on dire, était nouvelle.

Dans le projet qu'il est en train de mettre sur pied, Mathieu Létuvé use du même principe en regroupant des comédiens professionnels et des acteurs occasionnels dans ce lieu, théâtral par définition, qu'est un tribunal.

En fait, c'est un cadre dans lequel les péripéties qui s'y déroulent sans être toujours dramatiques portent toutes en elles une dramatisation évidente et bien évidemment l'espace scénique se fondant alors dans la réalité donne à un propos une relief assez particulier.

Initialement Mathieu Létuvé avait pensé à Jeanne d'Arc... en l'occurrence, celle de « L'Alouette » qu'en son temps Suzanne Flon marqua de son talent et de sa fragilité. En fin de compte, son choix s'est porté sur un texte dont la connotation était plus en rapport avec les problèmes de notre temps. Il a, en effet, choisi, « Le spectateur condamné à mort »" de l'auteur roumain Matéi Visniec qui utilise la parodie et l'humour pour dénoncer l'oppression et l'arbitraire qu'il connut sous la dictature Ceaucescu.
Dans ce procès, un spectateur, choisi au hasard, subit les assauts d'un accusateur qui multiple les pièces à conviction sans les produire vraiment et s'emploie dans un véritable délire à étayer une thèse qui ne correspondra à rien d'autre qu'à une condamnation annoncée dans une confusion où la fiction et la réalité se renvoient la balle et les responsabilités.

Visniec sait de quoi il parle. Il a été victime de la censure dans son pays. Auteur interdit, il devra s'exiler. Il s'installera en France et deviendra un des auteurs les plus joués au festival d'Avignon et dont les œuvres sont à l'affiche d'une vingtaine de pays.

Pour ce jeu dramatique qui tourne à la farce, Mathieu Létuvé s'est entouré d'un quatuor de comédiens professionnels composé de Marie Mellier, Jean-François Levistre, Stéphane Hervé et Amélie Dumetz qui sont épaulés par une équipe d'intervenants locaux disséminés dans le public et qui interviennent comme le ferait n'importe quel témoin à un procès. A cette nuance près que ce procès, secoué de rires dénonciateurs, est marqué par une volonté iconoclaste de casser les codes. Il transforme ainsi la dramatisation en une sorte de happening qui n'empêchera pas, au bout du compte, le spectateur d'être condamné à mort comme n'importe quel citoyen pouvait et peut l'être encore par un totalitarisme qui ne dit pas toujours son nom.

« Le spectateur condamné à mort » sera présenté dans la salle du Conseil municipal de la mairie de Rouen les 21 et 22 mai.

Entre temps, Mathieu Létuvé s'est lancé dans une autre aventure : raconter l'histoire de Jack La Motta, le boxeur américain qui ne connut quasiment jamais de défaite et que Martin Scorcese a immortalisé – voire idéalisé - dans son film « Raging Bull » avec Robert de Niro.

Il se trouve que dans sa jeunesse Mathieu Létuvé fit de la boxe … une bonne opportunité pour endosser le rôle de ce personnage ( toujours vivant) qui fit preuve

d' une étonnante capacité à encaisser les coups sur le ring et dans la vie .

Là encore on retrouve chez Mathieu Létuvé, la volonté de choisir des sujets avec lesquels il puisse jeter des passerelles entre l'action et l'émotion et qui mettent en évidence les perspectives citoyennes de ses personnages.

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